Briser les tabous sur la fluctuation hormonale chez la femme

« T’as tes règles ou quoi ? ». Cette phrase, à première vue anodine, est en réalité le reflet d’un cliché profondément ancré dans notre société. Qu’il s’agisse d’humeur jugée changeante, de douleurs minimisées ou encore d’une baisse de forme pointée du doigt, la fluctuation hormonale chez la femme est trop souvent tournée en dérision. Pourtant, derrière ce phénomène naturel et universel se cache un vécu quotidien encore méconnu du grand public. Cet article se propose d’exposer les tabous et préjugés qui pèsent sur ces fluctuations, puis d’expliquer pourquoi elles méritent une réelle reconnaissance afin de libérer la parole et de faciliter le vécu de millions de femmes.

Derrière chaque remarque assassine, telle que « Encore de mauvaise humeur ? » ou « C’est dans ta tête… », se dessine un paysage de méconnaissance et de banalisation. Ces idées reçues contribuent à rendre le sujet presque honteux ou inconvenant. Beaucoup de femmes préfèrent alors taire leurs douleurs ou leurs sautes d’humeur, de crainte de passer pour « trop fragiles » ou « trop plaintives ».

« Ces idées reçues contribuent à rendre le sujet presque honteux ou inconvenant. »

Il arrive également que les règles, le syndrome prémenstruel ou d’autres troubles (comme l’endométriose ou le syndrome des ovaires polykystiques) soient perçus comme une simple excuse pour justifier un manque de motivation ou une baisse de productivité. Ce silence, nourri par le jugement social, renforce un climat d’incompréhension qui enferme les femmes dans un rôle culpabilisant : celui de l’hypersensible qu’il faudrait « supporter » tous les mois.

Le cycle hormonal féminin est rythmé par deux hormones phares : l’œstrogène et la progestérone, qui fluctuent au fil des semaines et influencent de nombreux aspects de la vie quotidienne. Durant la phase folliculaire, la hausse des œstrogènes peut dynamiser l’humeur, améliorer la concentration et donner un regain d’énergie. Lorsque l’ovulation survient, un pic d’œstrogènes offre parfois un sentiment de bien-être supplémentaire. Vient ensuite la phase lutéale, dominée par la progestérone, pouvant provoquer fatigue, irritabilité ou encore légères sautes d’humeur. Enfin, la période des menstruations est marquée par la chute de ces deux hormones et peut s’accompagner de douleurs, de maux de tête et d’une baisse notable de vitalité.

Ces fluctuations ne concernent pas uniquement l’humeur : elles peuvent aussi affecter la vie sociale, la libido, la concentration, le sommeil et, dans certains cas, la santé globale. Les troubles associés, comme les fortes douleurs menstruelles, le SPM (syndrome prémenstruel) ou des pathologies comme l’endométriose, sont parfois tellement invalidants qu’ils perturbent sérieusement le cours de la vie professionnelle et personnelle. Pourtant, par manque d’information ou par tabou, ces réalités sont rarement prises en compte à leur juste mesure.

Les conséquences des douleurs ou de la fatigue liées à ces fluctuations hormonales peuvent être multiples. Au travail, certaines femmes doivent gérer non seulement des symptômes physiques (crampes abdominales, migraines) et émotionnels (irritabilité, anxiété), mais aussi les remarques qui remettent en question leur légitimité lorsqu’elles expriment leur mal-être. Cette méfiance ou ce manque de compréhension peut créer un climat anxiogène et pousser nombre d’entre elles à minimiser leurs maux pour se conformer aux attentes.

Dans la vie personnelle, l’influence hormonale peut se manifester par des variations d’humeur qui, lorsqu’elles ne sont pas expliquées ou comprises, ont un impact sur la communication au sein du couple, de la famille ou du cercle amical. À cela s’ajoute la difficulté à poursuivre certains loisirs ou activités physiques lorsque la douleur est trop intense. Dans les cas les plus sévères, une reconnaissance tardive de troubles gynécologiques (endométriose, adénomyose, SOPK, etc.) entraîne une errance diagnostique douloureuse et déstabilisante.

Pour mettre fin à ces préjugés et offrir un environnement plus bienveillant, la première étape consiste à libérer la parole. Il est essentiel d’informer de manière claire sur le fonctionnement du cycle hormonal et sur les symptômes qu’il peut engendrer. Les campagnes de sensibilisation peuvent aider à mieux comprendre que les sautes d’humeur ou les douleurs ne sont pas « dans la tête », mais bien la conséquence de processus physiologiques réels et complexes.

Au sein des entreprises, des mesures de flexibilité (télétravail ponctuel, horaires aménageables) peuvent apporter un soulagement à celles qui subissent des épisodes de douleurs ou de fatigue. La reconnaissance de pathologies comme l’endométriose ou le SOPK dans le milieu professionnel est également un pas vers une meilleure inclusion. D’un point de vue médical, la consultation régulière chez un gynécologue ou un professionnel formé est cruciale pour poser un diagnostic précoce, adapter un traitement et proposer une meilleure qualité de vie aux patientes concernées.

Conclusion : construire un mieux-être féminin et collectif

Accepter les fluctuations hormonales comme une composante naturelle de la vie féminine, c’est œuvrer pour une société plus inclusive où les phrases du type « T’as tes règles ou quoi ? » n’ont plus lieu d’être. Il s’agit non seulement de reconnaître la douleur et l’inconfort que peuvent éprouver les femmes, mais aussi de leur donner la liberté d’en parler librement, sans jugement. Mettre en lumière ces réalités ouvre la voie à une meilleure compréhension, tant au niveau social que professionnel. Cette démarche contribue également à faire avancer la recherche et à encourager un dépistage précoce des troubles gynécologiques.

Briser le tabou, c’est rendre justice aux femmes qui, chaque mois, naviguent entre fatigue, douleurs et émotions fluctuantes, tout en continuant d’assumer leurs responsabilités. En donnant enfin une place légitime à leurs ressentis, nous participons à la construction d’un environnement respectueux, où la fluctuation hormonale est abordée comme un sujet de santé publique à part entière, et non comme une faiblesse passagère.

Source : OMS ; EndoFrance ; Inserm

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