Les idées reçues qui freinent le diagnostic de l’endométriose

L’endométriose est une maladie gynécologique complexe qui toucherait près d’une femme sur 10, voire sur 1/7 selon certaines estimations. Pourtant, elle demeure encore largement sous-diagnostiquée et méconnue du grand public. Cette pathologie se caractérise par la présence de tissu semblable à de l’endomètre – normalement localisé dans l’utérus – à l’extérieur de celui-ci. Engendrant douleurs chroniques, fatigue, problèmes de fertilité et bien d’autres symptômes.
Au-delà des chiffres, l’endométriose subit de nombreuses idées reçues qui peuvent ralentir la prise de conscience et le diagnostic. Il est donc essentiel de diffuser une information fiable, documentée et accessible à toutes et tous. Afin de favoriser un repérage précoce des signes et d’améliorer la qualité de vie des personnes concernées.
Dans cet article, nous vous proposons d’aborder l’endométriose à travers 10 affirmations : entre vérités fondamentales et fausses croyances à déconstruire. Ensemble, faisons un pas vers une meilleure connaissance de la maladie et un accompagnement plus adapté.
1. « Les douleurs menstruelles intenses sont normales »

Faux.
Bien qu’il soit courant de ressentir de légères crampes pendant les règles, des douleurs au point de perturber la vie quotidienne (arrêts de travail, absences scolaires, difficultés à se déplacer) sont anormales et peuvent constituer un symptôme majeur d’endométriose. Ignorer ou banaliser des douleurs très fortes peut retarder le diagnostic, alors qu’une prise en charge précoce permet souvent de réduire l’intensité des symptômes. De plus, la douleur chronique peut être associée à d’autres problèmes, comme des troubles du sommeil ou un isolement social.
2. « La maladie peut débuter dès la puberté »
Vrai.
Contrairement à l’idée reçue selon laquelle l’endométriose ne toucherait que les femmes adultes, elle peut se manifester dès les premières menstruations. Les adolescentes sont parfois moins écoutées ou prises au sérieux lorsqu’elles évoquent des douleurs importantes. Par conséquent, elles risquent de connaître une errance diagnostique de plusieurs années. Il est donc essentiel de sensibiliser les jeunes filles et leur entourage (parents, personnel éducatif, médecin scolaire) pour les encourager à consulter en cas de symptômes inquiétants..

3. « La grossesse guérit l’endométriose »

Faux.
Il est vrai que certaines personnes ressentent un soulagement temporaire pendant la grossesse, notamment grâce à des niveaux hormonaux différents. Néanmoins, ce répit n’est pas systématique. Et surtout, l’endométriose peut réapparaître ou se réactiver après l’accouchement ou l’arrêt de l’allaitement. Par ailleurs, compter sur une grossesse pour soigner la maladie peut être problématique, car le désir d’enfant doit rester un choix personnel et non une obligation thérapeutique.
4. « La douleur chronique peut affecter la santé mentale »
Vrai.
L’endométriose, par ses symptômes répétitifs et souvent invalidants (douleurs pelviennes, fatigue constante), peut fragiliser l’équilibre psychique. Les patientes décrivent parfois un état d’anxiété face à l’arrivée imminente des règles ou des crises douloureuses imprévisibles. Au fil du temps, le sentiment d’impuissance et l’incompréhension de l’entourage peuvent conduire à un repli sur soi, voire à une dépression. Reconnaître l’impact psychologique de la maladie et proposer un accompagnement adapté (psychologue, groupe de parole, thérapies complémentaires) fait partie intégrante de la prise en charge.

5. « Un simple examen gynécologique suffit pour diagnostiquer l’endométriose »

Faux.
Le diagnostic de l’endométriose est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Lors d’une consultation classique, le·la gynécologue va procéder à un interrogatoire médical (recherche de douleurs, fréquence, intensité, etc.) et réaliser un examen pelvien. Cependant, ces premières étapes ne permettent pas toujours de mettre en évidence les lésions, pour plusieurs raisons :
- Localisations difficiles à visualiser.
Certaines lésions d’endométriose se développent dans des zones peu accessibles à l’examen clinique ou à l’échographie transvaginale standard, comme les ligaments utéro-sacrés, le rectum, ou encore l’arrière de l’utérus (cul-de-sac de Douglas). Dans ces cas, l’échographie pelvienne peut se révéler normale, alors même que la patiente souffre de douleurs caractéristiques. - Taille et aspect des lésions.
Les implants endométriosiques peuvent être très petits (quelques millimètres) et présenter une couleur ou une texture proche des tissus environnants, ce qui rend leur détection difficile. De plus, toutes les formes d’endométriose ne produisent pas systématiquement des kystes ovariens (endométriomes), plus faciles à repérer à l’échographie. - Imagerie spécialisée nécessaire.
Pour affiner le diagnostic, il est fréquent de recourir à des examens plus poussés :- IRM pelvienne spécialisée : réalisée par un·e radiologue formé·e à l’endométriose. Elle permet d’examiner avec précision la région pelvienne et de repérer des lésions profondes ou localisées sur des organes voisins (intestin, vessie, ligaments).
- Échographie endovaginale experte : réalisée par un·e praticien·ne ayant une expertise spécifique dans la détection des nodules endométriosiques et des kystes peu visibles.
- Coelioscopie (ou laparoscopie).
Dans certains cas, l’imagerie seule ne suffit pas à confirmer la maladie. Une coelioscopie peut alors être proposée, c’est-à-dire une intervention chirurgicale mini-invasive (sous anesthésie générale) permettant d’observer directement l’intérieur de la cavité abdominale. C’est le seul moyen d’avoir une confirmation visuelle et histologique (grâce à des prélèvements) de la présence de tissu endométrial en dehors de l’utérus. - Importance du dépistage multidisciplinaire.
Souvent, le diagnostic de l’endométriose s’inscrit dans un parcours où interviennent plusieurs spécialités : gynécologue, radiologue, parfois gastro-entérologue ou urologue si les lésions touchent d’autres organes. Cette approche collaborative est essentielle pour réduire l’errance médicale, qui peut durer plusieurs années avant qu’un diagnostic formel ne soit posé.
En somme, un simple examen gynécologique de base peut passer à côté de lésions d’endométriose, surtout lorsqu’elles sont peu volumineuses ou localisées dans des zones complexes à examiner. Il est donc primordial d’avoir recours à des techniques d’imagerie et, au besoin, à une coelioscopie pour poser un diagnostic fiable et proposer une prise en charge adaptée.
6. « Cette maladie n’affecte que la fertilité »
Faux.
Bien que l’endométriose soit fréquemment associée à des difficultés de conception, ses répercussions vont bien au-delà de la fertilité. Les douleurs menstruelles intenses, la fatigue chronique et les éventuels troubles digestifs (diarrhées, constipation, ballonnements) peuvent rendre le quotidien pénible. En outre, les douleurs lors des rapports sexuels (dyspareunie) impactent la sexualité et parfois la vie de couple. L’endométriose est donc une affection systémique qui nécessite une approche globale, et pas seulement axée sur la reproduction.

7. « Un suivi multidisciplinaire est souvent nécessaire »

Vrai.
Pour prendre en charge l’endométriose, plusieurs professionnels de santé peuvent intervenir :
- Nutritionniste ou diététicien·ne : pour adapter l’alimentation et réduire l’inflammation.
- Gynécologue : pour le diagnostic, le suivi médical, la mise en place d’un traitement hormonal ou chirurgical.
- Radiologue spécialisé·e : pour les examens d’imagerie avancés.
- Kinésithérapeute ou physiothérapeute : spécialisé·e dans la rééducation périnéale et le soulagement des douleurs.
- Psychologue ou psychiatre : pour accompagner le vécu émotionnel (douleur, stress, anxiété).
Ce travail d’équipe contribue à une meilleure qualité de vie et à une réduction des symptômes.
9. « Les changements de mode de vie n’ont aucun impact »
Faux.
S’il n’existe pas de « solution miracle », de nombreuses patientes relatent un mieux-être grâce à des ajustements au quotidien :
- Gestion du stress : méditation, sophrologie ou thérapies cognitivo-comportementales (TCC).
- Alimentation équilibrée et anti-inflammatoire : riche en légumes, fruits, céréales complètes, et pauvre en aliments pro-inflammatoires comme les sucres raffinés.
- Activité physique douce : yoga, natation, marche, qui aident à mobiliser le bassin et à libérer des endorphines.
Voir article Endométriose et sport est-ce compatible ?

10. « Les lésions peuvent atteindre d’autres organes que le bassin »

Vrai.
L’endométriose se manifeste le plus fréquemment dans la zone pelvienne (utérus, ovaires, ligaments utéro-sacrés), mais certaines formes, plus rares, peuvent se développer en dehors du petit bassin. Les lésions ou implants d’endométriose peuvent ainsi se loger dans :
- Le système digestif : intestin grêle, côlon, rectum. Cette localisation entraîne parfois des douleurs lors de la défécation, des troubles du transit, voire des rectorragies (saignements dans les selles) pendant les règles.
- Le système urinaire : vessie ou uretères, provoquant des douleurs et des symptômes urinaires (brûlures, saignements).
- Le diaphragme et la zone thoracique : il s’agit alors d’endométriose dite « thoracique », qui peut causer des douleurs dans l’épaule ou la cage thoracique pendant les menstruations (d’où l’appellation « catamenial pneumothorax » lorsqu’il y a effondrement du poumon à chaque cycle).
- Le nombril ou la cicatrice d’une ancienne chirurgie : on parle d’endométriose cutanée ou cicatricielle.
Bien que moins courantes, ces formes extra-pelviennes, peuvent compliquer le diagnostic, car les symptômes ne sont pas toujours associés d’emblée à un problème gynécologique. Elles contribuent par ailleurs à la grande diversité des signes cliniques de l’endométriose, justifiant souvent une approche multidisciplinaire (gastro-entérologie, urologie, pneumologie…). Pour poser un diagnostic et proposer une prise en charge adaptée.
Conclusion : un enjeu de santé publique où chacun·e a un rôle à jouer
L’endométriose est donc loin d’être une simple « douleur de règles ». Son impact global (douleurs, fatigue, conséquences sur la vie sociale et professionnelle) en fait un enjeu majeur de santé publique. Une meilleure information du grand public, une formation approfondie des professionnel·les de santé et un repérage précoce des symptômes sont essentiels pour offrir aux patientes un suivi adapté.
En résumé, la lutte contre l’endométriose ne se limite pas à la prise en charge médicale spécialisée : elle s’appuie sur la mobilisation de nombreux acteurs, dont le pharmacien, véritable allié au quotidien pour aider les patientes à mieux vivre avec la maladie.
Sources : Inserm, EndoFrance